法語小說閱讀:巴黎圣母院(9)
掌握這些知識,攻克TestDaF5級
來源:網(wǎng)絡(luò)
2020-11-02 01:18
編輯: 歐風(fēng)網(wǎng)校
386
其他考試時間、查分時間 免費短信通知
摘要:
法語小說閱讀:巴黎圣母院(9)
LA PLACE DE GRèVE 沙灘廣場
Il ne reste aujourd'hui qu'un bien imperceptible vestige de la place de Grève telle qu'elle existait alors. C'est la charmante tourelle qui occupe l'angle nord de la place, et qui, déjà ensevelie sous l'ignoble badigeonnage qui empate les vives arêtes de ses sculptures, aura bient t disparu peut-être, submergée par cette crue de maisons neuves qui dévore si rapidement toutes les vieilles fa ades de Paris.
Les personnes qui, comme nous, ne passent jamais sur la place de Grève sans donner un regard de pitié et de sympathie à cette pauvre tourelle étranglée entre deux masures du temps de Louis XV, peuvent reconstruire aisément dans leur pensée l'ensemble d'édifices auquel elle appartenait, et y retrouver entière la vieille place gothique du quinzième siècle.
C'était, comme aujourd'hui, un trapèze irrégulier bordé d'un c té par le quai, et des trois autres par une série de maisons hautes, étroites et sombres. Le jour, on pouvait admirer la variété de ses édifices, tous sculptés en pierre ou en bois, et présentant déjà de complets échantillons des diverses architectures domestiques du moyen age, en remontant du quinzième au onzième siècle, depuis la croisée qui commen ait à détr ner l'ogive, jusqu'au plein cintre roman qui avait été supplanté par l'ogive, et qui occupait encore, au-dessous d'elle, le premier étage de cette ancienne maison de la Tour-Roland, angle de la place sur la Seine, du c té de la rue de la Tannerie. La nuit, on ne distinguait de cette masse d'édifices que la dentelure noire des toits déroulant autour de la place leur cha ne d'angles aigus. Car c'est une des différences radicales des villes d'alors et des villes d'à présent, qu'aujourd'hui ce sont les fa ades qui regardent les places et les rues, et qu'alors c'étaient les pignons. Depuis deux siècles, les maisons se sont retournées.
Au centre, du c té oriental de la place, s'élevait une lourde et hybride construction formée de trois logis juxtaposés. On l'appelait de trois noms qui expliquent son histoire, sa destination et son architecture : la Maison-au-Dauphin, parce que Charles V, dauphin, l'avait habitée ; la Marchandise, parce qu'elle servait d'H tel de Ville ; la Maison-aux-Piliers (domus ad piloria), à cause d'une suite de gros piliers qui soutenaient ses trois étages. La ville trouvait là tout ce qu'il faut à une bonne ville comme Paris : une chapelle, pour prier Dieu ; un plaidoyer, pour tenir audience et rembarrer au besoin les gens du roi ; et, dans les combles, un arsenac plein d'artillerie. Car les bourgeois de Paris savent qu'il ne suffit pas en toute conjoncture de prier et de plaider pour les franchises de la Cité, et ils ont toujours en réserve dans un grenier de l'H tel de Ville quelque bonne arquebuse rouillée.
La Grève avait dès lors cet aspect sinistre que lui conservent encore aujourd'hui l'idée exécrable qu'elle réveille et le sombre H tel de Ville de Dominique Boccador, qui a remplacé la Maison-aux-Piliers. Il faut dire qu'un gibet et un pilori permanents, une justice et une échelle, comme on disait alors, dressés c te à c te au milieu du pavé, ne contribuaient pas peu à faire détourner les yeux de cette place fatale, où tant d'êtres pleins de santé et de vie ont agonisé ; où devait na tre cinquante ans plus tard cette fièvre de Saint-Vallier, cette maladie de la terreur de l'échafaud, la plus monstrueuse de toutes les maladies, parce qu'elle ne vient pas de Dieu, mais de l'homme.
C'est une idée consolante, disons-le en passant, de songer que la peine de mort, qui, il y a trois cents ans, encombrait encore de ses roues de fer, de ses gibets de pierre, de tout son attirail de supplices permanent et scellé dans le pavé, la Grève, les Halles, la place Dauphine, la Croix-du-Trahoir, le Marché-aux-Pourceaux, ce hideux Montfaucon, la barrière des Sergents, la Place-aux-Chats, la Porte Saint-Denis, Champeaux, la Porte Baudets, la Porte Saint-Jacques, sans compter les innombrables échelles des prév ts, de l'évêque, des chapitres, des abbés, des prieurs ayant justice ; sans compter les noyades juridiques en rivière de Seine ; il est consolant qu'aujourd'hui, après avoir perdu successivement toutes les pièces de son armure, son luxe de supplices, sa pénalité d'imagination et de fantaisie, sa torture à laquelle elle refaisait tous les cinq ans un lit de cuir au Grand-Chatelet, cette vieille suzeraine de la société féodale, presque mise hors de nos lois et de nos villes, traquée de code en code, chassée de place en place, n'ait plus dans notre immense Paris qu'un coin déshonoré de la Grève, qu'une misérable guillotine, furtive, inquiète, honteuse, qui semble toujours craindre d'être prise en flagrant délit, tant elle dispara t vite après avoir fait son coup !