法語小說閱讀:小東西下篇(12)
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2020-08-11 02:36
編輯: 歐風(fēng)網(wǎng)校
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法語小說閱讀:小東西下篇(12)
DEUXIEME PARTIE 續(xù)篇
Chapitre XII TOLOCOTOTIGNAN 第十二章 托洛科托蒂尼昂
Me voici arrivé aux pages les plus sombres de mon histoire, aux jours de misère et de honte que Daniel Eyssette a vécus à c té de cette femme, comédien dans la banlieue de Paris. Chose singulière! ce temps de ma vie, accidenté, bruyant, tourbillonnant, m'a laissé des remords plut t que des souvenirs.
Tout ce coin de ma mémoire est brouillé, je ne vois rien, rien...
Mais, attendez!... Je n'ai qu'à fermer les yeux et à fredonner deux ou trois fois ce refrain bizarre et mélancolique : Tolocototignan ! Tolocototignan ! tout de suite, comme par magie, mes souvenirs assoupis vont se réveiller, les heures mortes sortiront de leurs tombeaux, et je retrouverai le petit Chose, tel qu'il était alors, dans une grande maison neuve du boulevard Montparnasse, entre Irma Borel qui répétait ses r les, et Coucou-Blanc qui chantait sans cesse :
Tolocototignan / Tolocototignan !
Pouah ! l'horrible maison ! je la vois maintenant, je la vois avec ses mille fenêtres, sa rampe verte et poisseuse, ses plombs béants, ses portes numérotées, ses longs corridors blancs qui sentaient la peinture fra che... toute neuve, et déjà salie!... Il y avait cent huit chambres là-dedans ; dans chaque chambre, un ménage. Et quels ménages !... Tout le jour, c'étaient des scènes, des cris, du fracas, des tueries ; la nuit des piaillements d'enfants, des pieds nus marchant sur le carreau, puis le balancement uniforme et lourd des berceaux. De temps en temps, pour varier, des visites de la police.
C'est là, c'est dans cet antre garni à sept étages qu'Irma Borel et le petit Chose étaient venus abriter leur amour... Triste logis et bien fait pour un pareil h te !... Ils l'avaient choisi parce que c'était près de leur théatre ; et puis, comme dans toutes les maisons neuves, ils ne payaient pas cher. Pour quarante francs- un prix d'essuyeurs de platre - ils avaient deux chambres au second étage, avec un liséré de balcon sur le boulevard, le plus bel appartement de l'h tel...
Ils rentraient tous les soirs vers minuit, à la fin du spectacle. C'était sinistre de revenir par ces grandes avenues désertes, où r daient des blouses silencieuses, des filles en cheveux, et les longues redingotes des patrouilles grises.
Ils marchaient vite au milieu de la chaussée. En arrivant, ils trouvaient un peu de viande froide sur un coin de la table et la Négresse Coucou-Blanc, qui attendait... car Irma Borel avait gardé Coucou-Blanc,
M. de Huit-à-Dix avait repris son cocher, ses meubles, sa vaisselle, sa voiture. Irma Borel avait gardé sa Négresse, son kakatoès, quelques bijoux et toutes ses robes... Celles-ci, bien entendu, ne lui servaient plus qu'à la scène, les tra nes de velours et de moire n'étant point faites pour balayer les boulevards extérieurs... A elles seules, les robes occupaient une des deux chambres. Elles étaient là pendues tout autour à des portemanteaux d'acier, et leurs grands plis soyeux, leurs couleurs voyantes contrastaient étrangement avec le carreau dérougi et le meuble fané.
C'est dans cette chambre que couchait la Négresse.
Elle y avait installé sa paillasse, son fer à cheval, sa bouteille d'eau-de-vie ; seulement, de peur du feu, on ne lui laissait pas de lumière. Aussi, la nuit, quand ils rentraient, Coucou-Blanc, accroupie sur une paillasse au clair de lune, avait l'air, parmi ces robes mystérieuses, d'une vieille sorcière préposée par Barbe-Bleue à la garde des sept pendues. L'autre pièce, la plus petite, était pour eux et le kakatoès.
Juste la place d'un lit, de trois chaises, d'une table et du grand perchoir à batons dorés. Si triste et si étroit que f t leur logis, ils n'en sortaient jamais. Le temps que leur laissait le théatre, ils le passaient chez eux à apprendre leurs r les, et c'était, je vous le jure, un terrible charivari. D'un bout de la maison à l'autre on entendait leurs rugissements dramatiques: “ Ma fille, rendez-moi ma fille! - Par ici, Gaspard ! - Son nom, son nom, miséra-a-ble!” Par là-dessus, les cris déchirants du kakatoès, et la voix aigu de Coucou-Blanc qui chantonnait sans cesse:
Tolocototignan !... Tolocototignan !...
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